Transformer ses pratiques alimentaires en restauration collective, c’est possible.
Tout au long de cette année 2024, nona vous propose un tour de France des cuisines engagées pour la transition alimentaire ! En octobre, rendez-vous à Port-Jerôme-sur-Seine, où nona a pu s’entretenir avec Virginie Gilbert, responsable du service de restauration.
Sommaire :
Une restauration comme à la maison : des repas livrés en liaison chaude
S’approvisionner localement en marché public
Lutter contre le gaspillage alimentaire : produire au plus juste grâce à la sensibilisation
Agir pour l’environnement et pour créer du lien social intergénérationnel
nona : un gain de temps pour la gestion administrative et pour varier ses recettes
Un dernier mot pour passer à l’action ?
Une restauration comme à la maison : des repas livrés en liaison chaude
Formée en diététique et en gestion des entreprises et des administrations, Virginie Gilbert assure depuis 1997 le poste de responsable du service de restauration dans la commune de Port-Jerôme-sur-Seine. Un métier en changement constant qui, selon elle, “suit l’évolution des restaurants scolaires” : “Mon quotidien est de faire en sorte que les enfants puissent manger tous les midis. Concrètement, c’est moi qui créé les menus, passe commande, prépare et suis le budget… Je m’occupe aussi de tout ce qui est gestion du personnel. Je prépare aussi les marchés publics, de la rédaction à l’analyse.”
Virginie Gilbert travaille avec une vingtaine de personnes : des agent·es de sites en cuisine ou en restaurants satellites, une assistante administrative qui l’accompagne depuis un an… Une grosse équipe pour faire fonctionner les cuisines : “On est en liaison directe, on prépare le matin pour le midi. On distribue en moyenne 900 repas par jour sur la période scolaire et on a deux sites de préparation. C’est les mêmes menus partout, pour tout le monde, mais on a deux équipes de production. Tout est distribué à dix restaurants scolaires, de la crèche à l’école maternelle et élémentaire, par mes collègues du service logistique : il faut qu'à 10h tout soit prêt pour être livré avant 12h.”
Virginie a fait le choix de garder une liaison chaude afin de proposer “une restauration comme à la maison” et “une meilleure qualité nutritionnelle et gustative”. Un côté familial qu'elle revendique. L’introduction des produits bio a été le premier changement dans la transition vers des pratiques encore plus vertueuses.
“On prépare le plus possible du fait maison avec des produits locaux. Même sur le végétarien qu’on propose une fois par semaine, on commence à avoir notre petit stock de recettes maison.”
Pour cela, les deux cuisines sont équipées de matériel neuf et Virginie souhaite maintenant s’orienter de plus en plus vers le réemploi : “Maintenant on va devoir faire du réeemploi. Je suis adhérente à Agores et on a reçu un article sur les obligations qu’on allait avoir vis à vis de ces équipements.”
Des bonnes pratiques qui découlent d’une volonté personnelle, appuyée par le soutien municipal.
“Je les sensibilise à la loi EGalim, je leur dis ce qu’il faut respecter et on voit ensemble comment ça peut se stabiliser côté coûts. Dans la commune, on a toujours eu la chance d’avoir les moyens de faire des belles choses mais depuis quelques années, il faut faire un peu plus attention.”
S’approvisionner localement en marché public
La commune s’approvisionne auprès d’une structure de maraichage bio d’insertion et essaye, tout en respectant les codes du marché public, de travailler le plus possible avec des producteurs locaux.
“J’ai fait ma déclaration sur ma cantine : pour nos approvisionnements on fonctionne en marché public avec des lots, notamment de produits bio. Sur 2023, on est à 7% de bio et 19% de durable et de qualité hors bio. L’augmentation des couts d’achat nous a faitvrevoir notre utilisation de produits bio. On a du être plus vigilants sur les tarifs.”
Pour s’approvisionner localement au maximum, la commune se focalise sur des commandes de fruits et légumes de la région : “En Normandie on ne va pas avoir de melons mais de la pomme de terre. On essaye de s’approvisionner en pomme de terre locale. Pour les fruits, ça va plutôt être des pommes et des poires.”
Les yaourts et la viande viennent aussi de la région : “Nos yaourt sont produits à 20km de la cuisine et on travaille beaucoup de viandes fraiches. Notre fournisseur a développé un partenariat avec les agriculteurs du département de Haute-Normandie donc on peut recevoir de la viande qui vient de 15km de la cuisine.”
Mais le lien avec les petits producteur·rices locaux n’est pas toujours évident à établir en marché public selon Virginie qui évoque “un manque de passerelles entre les producteur·rices et les utilisateur·rices de leurs produits.”
“Il y a aussi la question de la régularité parce que quand on s’engage auprès d’un producteur pour les produits laitiers, les vaches vont produire la même quantité de lait toute l’année. Sauf que nous en vacances scolaires on passe de 900 repas à 200. Donc il faut savoir écouler sur ces périodes et l’été et ce n’est pas simple… Mais bon, on y arrivera un jour. C’est pas la volonté qui manque, parfois c’est les moyens.”
Lutter contre le gaspillage alimentaire : produire au plus juste grâce à la sensibilisation
Virginie se rend au moins une fois par semaine dans les deux cuisines. Un contact régulier avec les responsables de site pour connaître leurs besoins et préparer les commandes. Pour la préparation des menus, les chef·fes de cuisine peuvent proposer des recettes à Virginie. A l’inverse, Virginie échange avec eux pour mesurer la viabilité des menus proposés, et écoute avec attention les retours de ce qui a été apprécié ou non des enfants. Depuis février, l’évaluation du gaspillage alimentaire est généralisé sur tous les sites. Des retours intéressants pour remettre en question les menus et les quantités.
“Pour le moment, on est plutôt content·es parce qu’on est en dessous de la moyenne de l’Ademe. En moyenne, on est à peu près à 100g de déchets organiques par repas même si je sais qu’on peut faire mieux et diminuer davantage. Ça nous permet aussi d’avoir une vision par site : on est une commune nouvelle, trois petites communes rurales nous ont rejoint récemment et on voit bien que les enfants mangent mieux dans celles-ci et font beaucoup moins de déchets que leurs camarades de la ville. On en avait déjà conscience, mais là c’est chiffré. On va voir ce qu’on peut mettre en place pour diminuer tout ça.”
Pour ce faire, des olympiades contre le gaspillage ont été organisées en mai, dans le contexte des Jeux Olympiques de 2024 : “Pendant une semaine, on leur a donné des objectifs de déchets à baisser et ils et elles gagnaient chaque jour un anneau olympique. Il y avait un classement inter-restaurants scolaires : les enfants repartaient à la fin avec un petit diplôme et le restaurant qui a le moins gaspillé sur cette semaine a gagné un trophée.”
Pour mieux gérer le gaspillage alimentaire, un système de réservation des repas par les familles a été mis en place, 48h avant le repas, pour pouvoir produire au plus juste. Les agent·es en restauration demandent aussi, lors du service aux enfants, s’ils et elles ont plutôt une petite ou une grande faim afin de servir les bonnes portions.
Agir pour l’environnement et pour créer du lien social intergénérationnel
Depuis que sa collègue est arrivée, Virginie a plus de temps pour prévoir des animations : “Avant j’étais un petit peu submergée. Depuis qu’elle est arrivée, on a pu mettre en place une enquête de satisfaction auprès des enfants au mois de novembre. 72% nous ont dit que les repas étaient bons, on était contentes. Elle a aussi préparé des sets de table avec des petits jeux… On essaye de faire des menus à thème de temps en temps mais c’est pas toujours réalisable.”
Avec un collègue du service éducation jeunesse, Virginie essaye de réinstaurer les serviettes en tissu dans les restaurants scolaires : “On a commencé un essai dans les écoles maternelles en mai, on va demander aux familles de les fournir et si ça marche, on va élargir aux plus grand·es à partir de septembre 2024. On jetait plus de 380kg de serviette en papier par an. Pour le côté environnemental, c’est important.”
Côté social, la commune a souhaité créer du lien avec les aîné.es et les intégrer aux repas qu’elle propose aux scolaires : “L’élue en charge de la restauration était venue vers moi pour me parler d’un reportage qu’elle avait vu où des personnes âgées venaient déjeuner dans des restaurants scolaires à midi. On l’a fait, on a ouvert nos restaurants scolaires aux seniors et une vingtaines d’entre eux et elles sont venu·es pour partager un moment intergénérationnel. Çe devrait être renouvelé.”
Pour chaque restaurant scolaire, deux services sont proposés sur l’heure du déjeuner. Des activités manuelles ou sportives sont organisées pour les enfants, auxquelles ont été conviés les séniors : “Ça peut être du crochet, du dessin, un atelier informatique, du sport…. On a proposé aux personnes âgées de participer à cet atelier aussi.”
nona : un gain de temps pour la gestion administrative et pour varier ses recettes
Virginie travaille depuis 2020 avec nona : “J’avais besoin d’aide pour la gestion administrative parce que ça devenait compliqué. Ça faisait des années que j’avais envie de m'équiper d'un logiciel de gestion de restauration. Une fois tout paramétré je savais que ça allait être une aide mais cette étape me freinait. J’ai trouvé l’outil accessible dès le début : j’ai une équipe pas du tout habituée à l’informatique donc je voulais quelque chose de simple, même pour moi. Pour passer le pas je trouve que c’est bien.”
Tous les menus sont créés directement sur l’outil, un véritable gain de temps par rapport au fichier Excel que Virginie avait pour habitude d’utiliser. Virginie apprécie aussi les suggestions de recettes proposées par l’outil : “On a nos propres recettes mais l’onglet exploration avec le partage de nouvelles recettes permet une diversité et d’élargir un peu nos horizons.”
Les commandes sont également générées depuis l’outil : “Je n’ai plus besoin de faire le tour des cuisines pour demander quels produits il faut.”
Virginie souligne l’accompagnement de nona et la prise en compte de ses besoins : “L’outil évolue avec moi. Presque tous les mois il y a des nouvelles fonctionnalités qui répondent à mes questions. Il y a un suivi, on remonte nos besoins, c’est un échange intéressant. Je pense qu’il y a une proximité avec nona que je n’aurais pas eu avec d'autres grosses structures.”
Un dernier mot pour passer à l’action ?
“On peut que aller vers là, c’est que du positif,” déclare Virginie. “Il n’y pas de raison de ne pas se lancer, on commence petit, étape par étape. Il faut savoir être patient·e, avoir la volonté, être accompagné·e par nos élu·es, nos équipes… C’est bien d’insuffler le sujet mais il faut que derrière, tout le monde y mettent un petit peu du sien.”