Transformer la restauration collective, c’est possible – et certains établissements s’y engagent chaque jour un peu plus. 

En Charente et avec en moyenne 550 repas préparés quotidiennement, la cuisine centrale de Montbron prouve qu’une alimentation saine, locale et durable peut devenir la norme, même à grande échelle. Derrière cette transition, un trio essentiel : une équipe engagée, un territoire mobilisé… et un chef passionné. Thierry Charlot, arrivé en 2023, a apporté avec lui une idée simple : cuisiner autrement, ensemble.

Le choix de la restauration collective

Choisir de travailler en restauration collective, c’est changer de cadre sans pour autant renoncer à son métier de cuisinier. 

« J’ai commencé à 15 ans. Aujourd’hui j’en ai 58. La cuisine, c’est toute ma vie. »

Après avoir été cuisinier dans des restaurants étoilés, restaurateur à son compte, puis traiteur, Thierry Charlot est un chef expérimenté. Récemment, il a fait un choix fort, celui de rejoindre la restauration collective. Un tournant dans sa carrière qu’il assume pleinement, source de nouveaux défis. 

Arrivé en 2023 dans la cuisine centrale de Montbron, il prend en avril dernier la suite d’Hervé, figure locale à la tête de l’établissement pendant plus de 40 ans, et se lance dans une mission : partager et transmettre son savoir-faire pour faire évoluer en profondeur les pratiques en restauration collective. 

Faire mieux, ensemble

Habitudes de longue date à faire évoluer, contraintes budgétaires, manque de formation, filières locales et alternatives encore fragiles : en restauration collective les défis sont nombreux. Cuisiner pour des enfants c’est aussi se heurter à de nouvelles difficultés.

 

« Les enfants sont très exigeants. Si un produit ne leur plaît pas, ils ne font pas semblant. »

Loin de le freiner dans ses projets, ces problématiques animent le chef : « L’idée ce n’est pas de faire comme dans l’ancien temps. Avant, en collectivité, on cherchait juste à nourrir les gens. Notre but à nous, c’est de faire découvrir des produits frais aux enfants. On ne cherche pas à faire de la haute gastronomie, mais à leur faire goûter de bons repas, simples et bien cuisinés. » 

Par ailleurs, l’objectif pour la cuisine centrale est clair : atteindre le 100 % fait-maison d’ici son départ à la retraite dans 5 ans. Une ambition réaliste, car déjà aujourd’hui, l’établissement limite fortement les produits transformés et les préparations industrielles. 

Ici, on travaille les carcasses de porc dans leur intégralité, on prépare, on valorise et on respecte les produits. Et le chef insiste sur ce point : proposer des repas de qualité en restauration ne rime pas nécessairement avec surcoût. « Je pars du principe que les bons produits ne sont pas plus chers que d’autres, même si leur valeur d’achat initial peut l'être, parce qu’à la fin, on va avoir un produit fini meilleur, moins de gaspillage, etc. Et quand on fait les comptes, le produit est finalement moins cher. On est toujours gagnant à travailler une belle marchandise. »

A condition, cependant, de prendre le temps et de repenser toute son organisation. Car le changement ne se décrète pas, il se construit patiemment, avec une équipe mobilisée, dans une cuisine réorganisée.

Construire une équipe fière et impliquée

Pour atteindre cet objectif du 100% maison, le chef sait qu’il peut compter sur les personnes qui l’entourent. Dans sa cuisine, ils sont huit. Une équipe jeune, dynamique, majoritairement féminine, que le chef accompagne avec exigence et bienveillance. « Je veux qu’elles soient fières de leur travail, qu’on les identifie comme les cuisinières de la cantine, pas comme celles qui ouvrent des boîtes à la cantoche. »

Ce qui se joue ici dépasse la cuisine, c’est tout un métier que le chef cherche à revaloriser. La cantine porte le poids d’un imaginaire collectif négatif qu’il faut parvenir à réinventer. En misant sur la formation et la responsabilisation, Thierry Charlot fait un pari sur le long terme, espérant que son équipe gagne en autonomie et continue à porter son projet même après son départ. « Ce que je veux transmettre à l’équipe, c’est qu’on peut faire mieux sans que ce soit plus compliqué. Il faut juste s’organiser. Et y mettre du cœur. »

Pédagogie du goût et lien avec les familles

A travers son travail, ce sont aussi les enfants et leurs parents qu’il cible. Ateliers du goût, repas partagés, échanges autour des plats : tout est prétexte à sensibiliser et parler alimentation plus durable. Il y a un vrai travail à faire contre la malbouffe et celui-ci est d’autant plus nécessaire que, comme il le souligne, « les parents ont un peu quitté la cuisine. » Face à une alimentation de plus en plus transformée, redonner envie de cuisiner et de comprendre ce qu’on mange devient un acte essentiel — et profondément politique.

Revaloriser des produits bruts et frais aux yeux des enfants n’est pas impossible, il suffit de se mettre à leur niveau et d’adapter ses méthodes à leurs préférences. « Les enfants aiment les goûts simples, sans mélange, une carotte doit rester une carotte. On leur fait goûter du céleri une première fois par exemple. Ça ne passe pas toujours, mais on recommence, on les fait s’habituer à ce goût, ils n’ont juste pas l'habitude. Tout ça c’est plutôt long mais on plante une graine... »

Une cuisine ancrée

Le projet de cette cuisine et de son chef, c’est aussi tout le territoire qui le porte. À Montbron, la collectivité s’implique concrètement et un réseau se tisse progressivement. Une serre a ainsi été achetée, sept hectares mis à disposition, et un maraîchage d’insertion se développe pour alimenter partiellement la cantine. « Il y a toute une organisation qui est en train de se mettre en place, c’est une démarche qui me plaît, qui m’intéresse dans la collectivité. On va vers quelque chose. A terme, je pense qu’une grosse partie de nos légumes viendront de Montbron. »

Pour Thierry Charlot, ce lien de proximité change beaucoup et importe bien plus que certains labels : « On essaie au maximum de travailler en circuit-court, en local : le lait, certaines viandes aussi viennent d’à côté. » Ce qui compte, c’est la connaissance de ses fournisseurs, la relation de confiance et l’impact local que cela permet. C’est aussi une façon de recréer des filières plus justes, plus humaines — et plus résilientes. « J’ai toujours travaillé comme cela. Les chefs qui m'ont formé m’ont toujours expliqué qu’on ne fait de la bonne cuisine qu’avec de bons produits. Et les bons produits ne sont pas ceux qui viennent de l’autre bout du monde. Ce sont les produits que l’on va chercher pas loin et dont on peut connaître le fournisseur. Ça change tout. »

S'outiller pour aller plus loin

Dans cette dynamique, nona joue un rôle important. En centralisant recettes, commandes, menus, fiches techniques, l’outil a permis à l’équipe de gagner en cohérence, en clarté, et surtout en autonomie. « Avant, on cuisinait tout par habitude. Aujourd’hui, tout est écrit, partagé, et puis l’outil calcule automatiquement. Ça nous permet d’avoir un tableau de bord permanent sur ce que l’on fait, c’est vraiment positif, et ça rend l’équipe plus forte. »

S’équiper d’un outil de gestion numérique c’est gagner du temps pour se donner les moyens d’aller plus loin. Grâce à nona, l’équipe a pu structurer, suivre et valoriser ce qu’elle faisait déjà. La gestion des budgets est plus fine et aide à l’atteinte des objectifs EGAlim.

Montbron, une cuisine collective qui rassemble

À Montbron, on ne se contente donc pas de nourrir les enfants. On les éduque au goût, on valorise le travail de produits bruts locaux, et on transforme le quotidien des agents. En cuisine, Thierry Charlot transmet bien plus que des recettes : il partage une vision durable, humaine et vivante de la restauration collective. Son ambition pour demain ? Une cantine 100 % fait-maison, ancrée dans son territoire, portée par une équipe autonome et fière. En bref, une cuisine qui fait sens, un espace de partage, de pédagogie, et de passion.

« Trente ans en arrière, on passait du temps à cuisiner ensemble, à manger ensemble, à partager. Et moi ce que j'aimerais, c'est retrouver un peu de cette façon de faire ici, avec les enfants. Retrouver le plaisir de bien manger ensemble. »

Posted 
This is some text inside of a div block.
 in 
Text Link
 category

Plus d'articles de la catégorie 

C'est Possible !

View All